En Autriche, la révélation d’un dirty campaigning sordide pourrait coûter cher aux sociaux-démocrates, deux semaines avant les législatives.
Est-ce un gag de Charlot ou l’univers impitoyable de la série Dallas ? À la faveur de la campagne des législatives, la petite république alpine prend en tout cas des allures américaines. Depuis ce week-end, une affaire de dirty campaigning, une tactique politique qui mise sur le dénigrement de l’adversaire, met en difficulté les sociaux-démocrates (SPÖ) en Autriche.
À quinze jour d’un scrutin à haut-risque pour le chancelier, Christian Kern, son numéro 2 et directeur de campagne, Georg Niedermühlbichler a été contraint à la démission. Pas sûr cependant que cela suffise à sauver l’image du numéro 1. Cette démission tombe au plus mal pour le chancelier, largement devancé dans les sondages par son jeune adversaire conservateur, Sebastian Kurz, et au coude à coude avec le FPÖ d’extrême droite.
L’histoire commence il y a plusieurs semaines. La campagne des législatives fait rage sur internet. Cette fois, non seulement le FPÖ, qui est un habitué, mais aussi les deux grands partis de l’après guerre, social-démocrate et conservateur, veulent montrer qu’il est bien fini le temps de la politique à la papa et investissent dans le numérique et les réseaux sociaux. Dans toute cette activité, une page internet se fait remarquer. Son titre, toute une promesse : « La vérité sur Sebastian Kurz ».
On y trouve des photos-montages, des vidéos railleuses, des insultes et l’insinuation, complotiste et antisémite, que le candidat conservateur serait de mèche avec l’homme d’affaire hongrois George Soros. Par ailleurs, des utilisateurs invitent à aller voter pour le FPÖ, qui n’est pas « l’ami des musulmans », lui. Avec ces relents brunâtres, l’œuvre semble signée par l’extrême droite…
Seulement, le quotidien Die Presse et l’hebdomadaire Profil révèlent que le consultant israélien Tal Silberstein, qui travaillait pour les sociaux-démocrates jusqu’à son arrestation mi-août en Israël pour des faits de blanchiment, serait en réalité à l’origine de ce site monté de toutes pièces, ainsi que d’un autre du même acabit, où de prétendus fans de Sebastian Kurz se faisaient remarquer par des débordements droitiers.
Le but de la double mystification aurait été de dégoûter les électeurs conservateurs tout en jouant sur l’aversion des Autrichiens pour les campagnes négatives. En semblant émaner du FPÖ, les attaques devaient ainsi discréditer les efforts de dédiabolisation de cette formation. Selon les révélations, le conseiller aurait mené ces opérations dans la clandestinité. Mais qui était au courant au SPÖ ?
« Pas moi », dit Christian Kern qui condamne un procédé « non seulement immoral, mais aussi incroyablement bête ». Dans une interview parue mardi, Tal Silberstein affirme que son ancien employeur n’aurait effectivement été au courant de rien. « Mettre tout sur le dos du chancelier et du SPÖ, cela fait partie d’une campagne négative du camp adverse », ajoute-t-il. On s’y perd. À cette partie de campagne un brin trop moderne, les sociaux-démocrates pourraient bien perdre, eux, au mieux beaucoup d’énergie, au pire pas mal d’électeurs.